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« Et maintenant battez-vous ».

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Cher Toi,

Ce matin, en ouvrant ma boîte aux lettres, je savais que j’aurais une raison de me réjouir. Au milieu des factures et autres notifications d’emmerdements en tous genres habituelles, j’attendais mon bonbon mensuel, ma petite réjouissance acide, ma dose de TNT féministe incontrôlable et assumée: j’ai nommé l’inénarrable et désormais indispensable Causette.

Savamment sous-titrée « Plus féminine du cerveau que du capiton », c’est la revanche de la presse sur les magazines que l’on dit féminins alors qu’ils sont commerciaux. Quand, dans l’ensemble des rédactions de Levallois-Perret, on planche sur la façon de valoriser au mieux les annonceurs, chez Causette, on se demande quelle fourmilière conservatiste on va pouvoir dézinguer.

D’aucuns, dans la foule immense qui me lit (oui, c’est le moment de t’offrir un très joli LOL, c’est fashion et ça soulage), me jetteront au visage mon incohérence et mon hypocrisie: oui, je sautille de joie à la vue d’un visuel de mes produits dans la presse dite féminine. Oui, je manoeuvre pour qu’elle me publie. Oui encore, j’ai noyé la totalité des rédactions parisiennes de flacons cosmétiques, accepté avec reconnaissance l’aide qu’on pouvait m’apporter pour l’impression de quelques mots et d’une photo. Le petit orgasme commercial quand mon nom est sorti dans ces pages là, je l’ai eu, sans retenue, sans honte, sans éprouver la moindre gène. Et j’en aurai bien d’autres, chaque fois que ces dames parleront de ce que je fais.

Vois-tu, je n’ai aucune naïveté: je suis chef d’entreprise. Une minuscule, naissante, balbutiante entreprise. Avec des charges sociales, des salaires, des fournisseurs à payer. Un investisseur assez dingue pour m’avoir fait confiance, à satisfaire. Un chiffre d’affaires à réaliser. Une vision dans les tripes. De la croissance de cette entreprise dépendent mes rêves d’éthique: si l’une meurt, les autres n’ont plus de véhicule. La frontière est ténue, entre compromissions acceptables et cession de mon âme au Diable. Dans la catégorie des premières, tu peux ranger le léchage de bottes aux journalistes. Tant qu’on ne me demandera pas de produire de la daube cancérigène produite par des enfants affamés et testée sur des singes torturés pour que tu t’enduises d’onguents faussement miraculeux, je vivrai en paix avec mes arrangements capitalistes.

Il n’en reste pas moins que Causette me fait du bien. Et ce matin, un peu plus encore (ne t’agite pas, je vais te dire pourquoi). En parlant de la possibilité que je n’ai pas entrevue, il y a 22 ans, de me défendre. De frapper en retour. De ne pas laisser une pourriture instiller la peur dans ma tête pour le restant de mes jours.

J’ai déjà effleuré le sujet, et autant te le dire tout de suite, il ne sera pas question de détailler la chose aujourd’hui.

Certaines blessures ne guérissent jamais vraiment. On vit avec, la douleur devient comme la fameuse copine moche: on ne sait pas comment s’en débarrasser, et on y renonce. Elle reste, elle vient pourrir nos soirées, on s’y fait. Et parfois, on lit un article, une phrase, qui fait autant de bien que de mal. Du bien pour l’avenir, du mal pour le passé. Ces lignes là ont le mérite d’exister, et même si on sait qu’elles ne feront pas de miracles pour soi, on a l’espoir que pour les autres, elles auront un sens. Celui de prévenir, de ne pas avoir besoin de guérir. Et c’est ce que cet article traitant de l’auto-défense fait, aujourd’hui. Il me dit qu’inscrire ma Divine et Merveilleuse Progéniture au cours de judo, en ne lui laissant pas vraiment le choix, était une bonne idée. Lui apprendre ce qu’on ne m’a pas appris, que bien qu’elle soit taillée dans un bâton de sucette, elle peut faire face à n’importe qui, qu’elle n’a à craindre personne. Faire en sorte qu’elle ne vive pas cette terreur que je vis, moi, dans les couloirs du métro, en marchant sur un trottoir mal éclairé. Lui éviter de se répéter en boucle que si elle presse le pas, elle pourra échapper à ça. Savoir qu’elle pourra rendre un coup, ne pas être terrifiée, ne pas avoir peur de mourir.

Tu me diras que je transfère sur elle le poids de mes peurs, de mes douleurs, de mes loupés. Peut-être. On n’échappe pas aux conneries, quand on est parent. On se contente de les aimer en faisant le meilleur job et le moins de dégâts possible.

Avoir en stock des valises à porter doit servir au moins à une chose: les alléger pour ceux qui nous suivent.